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Créationnisme, dessein intelligent et Kierkegaard. Déductions relatives à l´existence de Dieu. Avec une annexe sur l´histoire systématique du théisme existentiel. Je ne veux pas tenir un discours qui vise uniquement à divulguer des connaissances. Dans notre situation, en hommes vivant à une époque aspirituelle et en tant que nationaux attachés à la liberté, nous faisons face à tant de problèmes qui pèsent sur nous et notre peuple, que nous devons d´abord résoudre ces problèmes et que nous ne pouvons pas nous cantonner dans des questions d´instruction uniquement. En tant qu´Allemands, nous sommes dans cette situation désespérée d´avoir été vaincus par un ennemi qui cherche à nous anéantir et qui, depuis longtemps, a commencé à ce faire. En tant qu´hommes de notre temps, nous croyons, plus ou moins désespérés, devoir renoncer à tout secours et à tout soutien qui pourrait nous venir d´un monde plus élevé. Et quoi que nous trouvions à y redire, cette faiblesse nous gêne également dans notre lutte de nationaux, d´Allemands. Nous avons besoin d´un Seigneur Dieu en qui nous pouvons avoir foi – or, c´est justement le concept de Dieu qui a nécessité un changement fondamental; et c´est de cela seul que je voudrai parler par la suite – , de plus, il nous faut cette prise de conscience que notre volonté est libre, pour que nous sachions que nous sommes responsables et que nous avons l´obligation de fournir un effort extrême; et il nous faut la certitude d´une continuité de notre existence personnelle après la mort pour que nous ne soyons pas assujettis à notre vie actuelle, pour que nous soyons en mesure d´être courageux et pour que nous sachions les ultimes conséquences de notre responsabilité. Kierkegaard dit assez souvent qu´il veut clarifier les conditions de l´existence humaine. En même temps, c´est pourtant Dieu qui était pour lui de première importance. Et cette importance ne se comprend que lorsqu´en même temps on se rend compte des difficultés qui sont liées à l´idée de Dieu. Elles étaient telles que Kierkegaard a dû apporter un changement fondamental à la conception de Dieu. Voici en effet au moins deux millénaires qu´on fait valoir contre le théisme, c´est-à-dire contre l´idée de Dieu, une objection accablante. Celle-ci opère avec le concept de la cause efficiente. Voyons ce que ce concept de la cause efficiente signifie: C´est à l´aide de la fumée que nous connaissons le feu, en d´autres termes: la fumée est la cause de la connaissance [causa cognoscendi] du feu; inversément par contre: le feu est la cause efficiente de la fumée; des exemples analogues sont fréquents à observer; or, ici, la relation entre les deux types de cause apparaît avec une clarté particulière même si, en règle générale, ils ne sont pas difficiles à distinguer non plus. La cause efficiente est ce qui est manié de façon typique par la science de la nature. Ensuite, il y a le motif, le mobile; il est la cause du comportement des humains, p.ex., et il passe par l´intellect; il faut que je me représente le mobile, un succès ou un but précis, pour que celui-ci me mette en mouvement, pour qu´il déclenche en moi un comportement précis. La psychologie en est un cas d´application typique. Pour être complet, je fais aussi mention de la cause mathématique, exemple: Si un triangle comporte un angle droit – nous avons ici une cause mathématique –, le carré de l´hypoténuse est égal à la somme des carrés des deux côtés de l´angle droit, égale: conséquence ou "effet" mathématique. Voilà enfin tous les quatre types de cause réunis. Et voici encore une fois des exemples pour la cause efficiente, qui est mon propos: Le feu cause la fumée – en revanche, la fumée n´est pour le feu que la cause de notre connaissance. La lentille de verre et le soleil réunis causent l´incendie. Le boulet de canon cause un trou dans les remparts du château. Etc. Bon, la fameuse objection accablante contre le théisme, contre l´idée de Dieu, opère avec le concept de la cause efficiente (de la "causa efficiens", comme disaient les anciens scolastiques). L´objection est la suivante: On dit que Dieu nous a créés, nous et le monde, en vertu d´une cause efficiente. Or, la relation entre la cause et l´effet ne saurait, même sur un plan purement conceptuel, être mieux définie que par les termes "décréter", "fixer", "prédéterminer". Soit la cause efficiente fixe, décrète, prédétermine; soit elle ne produit pas d´effet du tout et n´existe pas non plus. Pour autant que la cause efficiente ne décrète pas, ne fixe pas, ne prédétermine pas, elle n´est pas une cause, mais, tout au plus, une "cause partielle"; or, une "cause partielle" n´est pas une cause au sens propre, mais seulement le facteur d´une cause; et surtout, selon la pensée théiste traditionnelle, Dieu est de toute façon notre cause et non pas seulement notre cause partielle. Et voici qu´arrive le grand donc: La conséquence ou l´effet d´une cause proprement dite, entre autres, de Dieu, est donc absolument dépourvu de liberté, à savoir déterminé, fixé, prédéterminé. Si donc Dieu nous crée, nous et les autres êtres vivants, en vertu d´une cause efficiente, aucun être, y compris nous non plus, n´aura de libre arbitre; nous les hommes nous ne serons alors ni moraux ni immoraux, la morale, l´éthique ne nous concernera en rien du tout; et Dieu sera non seulement responsable, mais seul responsable de tous les maux qui, en dehors de lui-même, existent dans le monde, dans la "Création". Question: Ce grand donc est-il irréfutable? La cause efficiente ne peut-elle vraiment pas avoir d´autre contenu que celui de "décréter", "fixer", "prédéterminer"? Je dis: elle ne le peut pas, chacun a la possibilité de vérifier soi-même la chose dans son propre intellect, d´une façon très directe par la méditation et l´expérimentation, par la contemplation en quelque sorte. Et il en résultera en effet que la déduction tout entière est impérative. Tout ce qu´on peut dire par ailleurs sur ce sujet, ce ne sont que d´autres formes conceptuelles pour désigner la même chose, avec le même contenu. Schopenhauer essaie de les nommer toutes; on peut les glaner de partout dans ses œuvres. Mais si l´on veut parcourir tout cela, on a besoin d´une séance entière ou d´un traité. On y aurait toutefois beau jeu; car l´objection est effectivement limpide et irréfutable. Pourquoi? Elle opère avec une contradiction conceptuelle: un "libre arbitre causé", une contradictio in adiecto, une contradiction dans l´adjectif. On pourrait ensuite saisir cette occasion ou une autre pour parcourir également les tentatives de réfutation; et on aurait à nouveau beau jeu; on pourrait dire aussi que c´est là quelque chose à faire par des étudiants forts en dialectique. En tout cas, puisque l´objection opère avec une contradiction conceptuelle, elle est aussi limpide que les tentatives de réfutation sont stupides ou d´emblée nulles, depuis saint Paul dans l´Epître aux Romains (il faut distinguer philosophie et Révélation), en passant par saint Augustin dans son écrit Sur le libre arbitre De libero arbitrio, saint Thomas d´Aquin dans la Summa theologica (Thomas, qui, par ailleurs, fait souvent du travail très sérieux, est ici le moins honnête), Leibniz dans les Essais de Théodicée (sous-titre: Sur la bonté de Dieu, la liberté de l´homme et l´origine du mal) ou dans les Nouveaux Essais sur l´entendement humain – jusqu´à Kant! On pourrait appeler cela un cours non seulement de dialectique, mais aussi de la mauvaise foi humaine: La mauvaise foi humaine, ce n´est pas seulement le bûcher et la prison pour les dissidents, mais ce sont aussi les absurdités que les gens préfèrent toujours dire plutôt que de reconnaître une erreur. Chez Kant se dessine toutefois très nettement un tournant, nous y reviendrons. Bilan: On dit que Dieu nous a créés en vertu d´une cause efficiente; or, dans ce cas, la morale n´aurait aucune importance pour nous, nous ne saurions même absolument rien d´elle; et Dieu serait non seulement le seul responsable du mal sous toutes ses formes, mais par-dessus le marché il ferait le procès des mêmes êtres prédéterminés par nul autre que lui. Conséquence tacite: il n´existe pas – si tant est qu´il soit absolument censé être notre cause efficiente. Objection d´abord: Pourquoi n´existerait-il pas? Il serait mauvais alors, tout simplement. Un soldat israélien dit dans une interview à la question s´il croyait en Dieu: "S´il y a un Dieu, alors il est méchant; c´est pourquoi je ne le prie pas." En voilà une brave et valeureuse réponse, en tout cas meilleure que du verbiage de théologien! Cependant nous sommes très fondés à supposer qu´un pareil Dieu n´existe pas. Je ne veux pas vous ennuyer à force d´énumérer des raisons; en l´occurrence, je me borne à évoquer l´immense absurdité qui consiste dans l´infériorité infinie de Dieu, à laquelle il faudrait alors conclure, et dans la nullité absolue de l´homme, dénué de toute valeur, et qui par conséquent ne pourrait alors avoir ne serait-ce qu´un concept de la morale. Or, avant tout, j´espère que, selon d´autres points de vue encore, il ressortira de ce qui suit, que non seulement on n´est pas obligé d´admettre un pareil Dieu et qu´on est fondé à ne pas le faire, mais qu´il n´est même pas possible de l´admettre. Et voici qu´on passe déjà aux conséquences? Avec Schopenhauer, chez qui cela va très vite, et avec Kierkegaard, chez qui c est une affaire plus longue et plus profonde? Je dois vous demander auparavant de patienter encore une fois; il reste à citer encore une circonstance aggravante à la charge du théisme traditionnel. Les concepts de cause et d´effet, de l´unique source de la prédétermination, nous les connaissons exclusivement du monde empirique. Et là, l´effet ne désigne pas la substance d´une chose, mais seulement l´état où elle se trouve: Le feu ne crée pas la fumée du néant, mais il ne fait que recréer le bois en fumée avant d´expulser celle-ci de l´objet qui se consume. La bille roulante ne crée pas le mouvement de la bille qui a été poussée, mais elle ne fait que lui transmettre son propre mouvement qui est déjà existant. Ce qui est absolument certain: De même que, dans le monde empirique, "aucun être ne peut se décomposer jusqu´à devenir néant." (Goethe), de même il n´y a pas non plus une seule cause qui "crée" un quelconque être "du néant". Cependant Dieu, lui, ne se bornerait pas à nous prédéterminer en vertu d´une cause efficiente – ce qui est déjà assez grotesque et ce qui, en tout cas, inclurait tout notre comportement moral –; mais il "causerait" la substance de notre être en vertu d´une cause efficiente; il nous "créerait" donc "du néant". Et on sait que notre comportement est, de son côté, exclusivement prédéterminé par notre substance, par notre être, autrement, il ne serait pas notre comportement; nous ne pourrons donc pas non plus prétexter que c´est en effet uniquement notre substance, et non pas notre comportement que Dieu ait créée. La prédétermination de l´homme par Dieu et, de ce fait, sa démoralisation – la perte de son aptitude à exister comme être moral – se trouve par là poussée à l´extrême, jusqu´à la folie et jusqu´à l´outrance. La négligence grossière et fumiste, avec laquelle, sans hésiter, on traite de la même façon, d´un côté, l´effet empirique, qui pourtant peut être cerné par des concepts très clairs, et une Création du néant, de l´autre, et vice versa, est digne de mépris. Et la prédétermination, sur la base théiste traditionnelle? Est, d´après cela, trois fois irréfutable. Venons-en maintenant à la conséquence, chez Schopenhauer et chez Kierkegaard! Schopenhauer marque un tournant dans l´histoire de la philosophie: les tentatives de réfutation prennent fin tandis que l´objection, elle, sera parachevée chez lui, je l´ai déjà dit. Avec excellence d´ailleurs – parce que, autrement, ce n´est pas faisable! Et puis voici la conséquence que Schopenhauer en a tirée: c´est l´athéisme; Dieu n´existe pas; sans aucune différenciation. Basta. Chez Kierkegaard, c´est très différent. Des tentatives de réfutation proprement dites, il n´en fait pas non plus, l´objection est irréfutable, dans les limites de son champ d´action, à savoir jusqu´au Créateur par cause efficiente inclus – Schopenhauer pense en effet que l´objection englobe toute idée de Dieu en général tandis que Kierkegaard voit plus loin sur ce point et fait preuve de beaucoup plus de souplesse. Lui, dans un premier temps – nous reviendrons aux autres aspects – tient compte également de l´histoire des idées. Il n´y va pas de l´"historique" en tant que tel, – car, là encore, cela ne relèverait que du domaine de l´instruction – il y va de la "cohérence", de "l´unité" de notre "génie" occidental, de ce qui est commun à l´Occident dans son ensemble; et c´est là l´esprit du dynamisme, de la volonté, de la liberté, de la nature humaine qui est créatrice, qui ne cesse de pousser en avant. Et à travers la prédétermination et la démoralisation de l´homme que je viens de décrire, à travers cette interprétation du récit biblique de la Création qui tourmente toute notre histoire, ce n´est donc pas seulement l´idée de Dieu qui se trouve réduite à l´absurde. Il y va plutôt de notre esprit humain occidental, du génie de la liberté et de la nature créatrice; ici, il n´y a rien qui soit réduit à l´absurde, mais le danger consiste à présent à accepter la prédétermination, la servitude de l´homme, à cause d´un Dieu prétendument prédéterminant. C´est surtout le jeune Kierkegaard qui réfléchit sur ce point; le 23 novembre 1834 (Pap.I A7), à l´âge de vingt-et-un ans, il consigne dans son journal: tant qu´il n´avait pas été question de liberté et tant que cette idée n´avait pas encore fait son chemin dans le monde, l´idée de la prédestination ne pouvait pas non plus apparaître encore, c´est seulement lorsque l´idée de la liberté humaine prit de l´ampleur et qu´elle fut mise en relation par la réflexion humaine avec la conception d´un gouverneur divin de l´univers, c´est seulement à ce moment-là qu´une idée pareille a pu voir le jour et qu´elle le devait aussi, comme une tentative de résoudre la difficulté. Il est toutefois curieux que cela précisément qui était censé résoudre la difficulté, est devenu le problème: de savoir comment les deux conceptions pourront se concilier. Je dirais tout d´abord: Cher jeune Kierkegaard, ce qui est curieux, à la limite, c´est que tu considères la doctrine de la prédestination (c´est-à-dire de notre prédetermination par Dieu pour des supplices éternels ou pour une béatitude éternelle) comme une tentative de solution. Au lieu de cela, je dirais: Si, nous les Occidentaux, la prédestination nous a préoccupés plus que tous les autres, c´est justement parce que cette pensée-là s´oppose tout particulièrement à notre façon de penser; et parce que nous avons des ennemis intérieurs; car, sur le fond décisif de notre âme, c´est tout le contraire qui nous anime, à savoir le génie de la liberté. Cependant, même sous cette forme-là, on reconnaît que ta pensée est très précieuse: C´est que non seulement, à travers ses corollaires révoltants, ladite objection contre l´existence de Dieu – nommons-la l´objection existentielle – réduit à rien cette idée d´un Créateur par cause efficiente; mais il est vrai aussi qu´elle menace le génie de notre culture et de notre civilisation occidentale si l´on accepte le Dieu qui prédétermine. Citons pour cela l´exemple type qui importe de nos jours: De nos jours, il existe, comme mauvaise fille de notre Occident, et hélas aussi comme grande puissance militaire, une nation qui veut effectivement anéantir la culture et la civilisation occidentales. Elle l´essaie de multiples manières; entre autres, elle essaie de divulguer le soi-disant créationnisme, c´est-à-dire: la pseudo-croyance fondamentaliste selon laquelle le récit mosaїque de la Création est à prendre au pied de la lettre – et tel que des théologiens exaltés et de mauvaise foi l´ont interprété ou tel qu´ils l´ont laissé, dans une hystérie secrète. A savoir exactement tel que ladite objection l´entend: Dieu nous aurait créés en vertu d´une cause efficiente; et, plus précisément: du néant alors que les causes efficientes dans le monde empirique – et nous n´en connaissons de nulle part ailleurs – ne créent jamais rien du néant, mais qu´elles se bornent toujours exclusivement à produire l´état où se trouve une substance, jamais la substance elle-même. Or, dans ce cas-là etc.…, nous ne serions que des pantins prédéterminés, dépourvus d´un libre arbitre dans le sang et, par conséquent, également incapables d´avoir une idée de morale ou d´éthique dans la tête. Les protecteurs du créationnisme ont-ils des intentions pieuses? Non! D´où est-ce que je tiens cela? Les protecteurs sont bien entendu les cercles intérieurs de la haute finance; et leur façon de penser est athée. Et d´où est-ce que je tiens ceci encore? C´est que l´esprit du temps est athée! Or, l´esprit du temps ne plane pas dans les airs – comme chez Hegel – mais il vit de nos jours sous la forme d´un esprit athée dans les médias: les journaux, les revues et les livres, à la télévision et dans les films; or, tous ceux-ci sont entre les mains des cercles intérieurs de la haute finance. C´est donc que ces cercles-là ont une façon de penser athée. Et qu´est-ce que le créationnisme, alors, s´il n´est pas pieux? Voici ce qu´il veut dire en clair: Vous, les chères foules aux USA, que nous gardons délibérément dans l´ignorance: Vous avez été créés par Dieu, donc prédéterminés par lui; qu´est-ce que cela avait pour conséquence? Génocide et impérialisme. Donc, comme tout cela vient de Dieu: Continuez en ce sens! Et alors vous, les Allemands: Vous aussi, vous avez été créés par Dieu, et cela visiblement pour essuyer des défaites. Allez donc à votre perte; car, de toute façon, vous nous faites obstacle. Et, à l´attention des deux groupes réunis: Ce que nous pensons, ne vous regarde pas, pour vous, il y a la religion kitsch; Nietzsche dit: "Toutes les religions sont affaire de populace." Quant à la réalité, c´est nous, les aristocrates, qui en décidons. C´est là l´intérêt du créationnisme puisque, dans l´esprit de ses auteurs ou protecteurs athées, il ne peut revêtir un intérêt pieux ni religieux. C´est cette façon de voir les choses qui est plausible et que nous devrions pour cette même raison adopter aussi; au lieu de nous faire des illusions, soyons plutôt courageux et ingénieux dans la résistance. En 1987, la Cour suprême des USA interdit les cours de biologie créationnistes dans les écoles. Motif: la séparation de l´Eglise et de l´Etat qui est inscrite dans la Constitution; ils étaient donc obligés de le faire. Cela change-t-il quelque chose? Cela ne change rien de fondamental. Car c´est ce qu´ils voulaient également: Le créationnisme ne se prêtait, en effet, qu´aux esprits simplets, pour les autres, il est contre-productif. Il fallait donc la même idée sous une forme correctement pseudo-intellectuelle. C´est ainsi qu´on inventa le "dessein intelligent", selon lequel nous avons été créés en vertu d´une cause efficiente par un être supérieur doté d´une "intelligence prévoyante". C´est donc kif-kif! Seules la "glaise du sol", la "motte de terre", la "poussière dont nous sommes faits," ont dû céder. Voilà pour ce qui est du péril que représente un Dieu prédéterminant – si on l´accepte en cette qualité-là – et donc en tant que péril pour notre esprit occidental, qui est un esprit de liberté; pour "cette belle partie du monde" comme Montesquieu le dit quelque part. Or, Kierkegaard voulait beaucoup moins encore de ce Dieu prédéterminant, bien entendu – conclusion absurde, qui serait naturellement à rejeter par la suite, dans le sens de la réduction à l´absurde, c´est-à-dire aboutissant à l´athéisme. Voilà le premier point – et Kierkegaard était plus souple que Schopenhauer. C´est pourquoi il ne tira pas cette conclusion que voici: donc Dieu n´existe pas; mais: c´est donc qu´il ne nous crée pas par une cause efficiente prédéterminante. Par conséquent: ce fut soit la cause efficiente dont l´abrogation s´imposait. Soit – d´une manière plus conciliante à l´égard de la tradition – : l´effet prédéterminant de celle-ci devait disparaître. Kierkegaard ne tenait en effet aucunement à une rupture inutile avec la tradition. Et c´est ainsi que, dans un premier temps, à l´âge de trentre-trois ans environ, il se tourmentait encore avec ce dernier point de vue, impossible du reste, avec l´idée de supprimer la prédétermination – sans supprimer la cause efficiente! Il écrit dans son Journal (Pap.VII 1 A 181): La chose suprême que l´on puisse faire pour un être, plus élévée que tout ce qu´on peut le faire devenir, consiste à le rendre libre. Dans le sens de: créer en tant qu´être libre; il poursuit: C´est justement pour cela, pour pouvoir faire cela, qu´il faut de la toute-puissance. Cela paraît étrange puisque c´est justement la toute-puissance qui devrait rendre dépendant. C´est ce qu´il admet lui-même; ensuite, il dit pourtant: Mais si l´on pense le concept de la toute-puissance, on verra que c´est justement elle qui implique en même temps cette disposition qui consiste à pouvoir se retirer soi-même dans la manifestation de la toute-puissance de telle sorte que, pour cette raison précisément, l´indépendance soit garantie à cet être qui a pu devenir par la toute-puissance.(1) La "manifestation de la toute-puissance", dont Kierkegaard parle ici, n´est pourtant rien d´autre que l´exercice de la cause efficiente; or, la cause efficiente implique qu´elle prédétermine; car on ne peut faire, ni provoquer quoi que ce soit d´indéterminé, mais toujours uniquement quelque chose de déterminé, quelque chose de prédéterminé; on ne peut donc concevoir le contenu de la cause efficiente sans concevoir en même temps la prédétermination. "Faire quelque chose, en vertu d´une cause efficiente, et le faire plus précisément en sorte qu´il soit quelque chose de libre", cela serait par conséquent une contradiction dans l´objet (une contradictio in obiecto). Et il y a une chose dont même la toute-puissance est incapable: c´est de réaliser des pensées contradictoires. Sur ce point, la toute-puissance n´existe pas; en ce sens, même "notre Seigneur n´est" réellement et véritablement "pas tout à fait tout-puissant" – pour parler avec Heinrich Heine. Nous avons donc ici pour commencer, même dans le domaine de la conception de Dieu, et tout à fait à l´opposé d´un préjugé ancien – il est beaucoup plus ancien que Kant – une vérité qui est aussi certaine que le bleu du ciel un jour sans nuages; c´est-à-dire que, si l´on dit autre chose, on sera obligé de nier l´évidence. Il y a encore un préjugé: L´idée de Dieu, d´un côté, et le déterminisme, de l´autre, sont de toute façon radicalement opposés. Or, la verité est que le récit biblique de la Création ou, en tout cas, l´interprétation de celui-ci, d´un côté, et le déterminisme, de l´autre, vont ensemble de par une nécessité conceptuelle. Nous voyons à quel point nous devons être prudents à l´égard des conceptions traditionnelles – surtout si elles se présentent avec arrogance. Bref, Kierkegaard n´a aucune envie particulière d´entrer, au-delà du strict nécessaire, en conflit avec la conception traditionnelle; cependant il ne peut pas non plus tenter de bâtir sa philosophie sur le fondement d´un Dieu-Créateur prédéterminant parce que cela serait chose impossible, nous allons le voir. Peu avant sa mort, au milieu de ce qu´on appelle communément le combat contre l´Eglise qu´il mène durant cette période, le 25 septembre 1855 – il allait décéder le 11 novembre – il nota même dans son Journal (Pap.XI 2, 439): C´est contre la volonté de Dieu que je suis entré dans l´existence.(2) Suivent toutefois à nouveau des concessions; et la dureté de cette phrase pourrait, d´un point de vue purement humain, être liée aussi aux expériences amères que Kierkegaard avait faites entre-temps avec la nature humaine; néanmoins, les philosophes chrétiens n´avaient pas l´habitude, jusque-là, de tirer pareilles conséquences. Il est vrai que tout grand homme finit par perdre des illusions qu´il a pu se faire sur ses prochains. Telle est tout simplement la façon de penser de Kierkegaard au fond de lui-même – bien que sa philosophie et l´objection existentielle le contraignent à récuser uniquement la causalité de Dieu, et bien qu´il recommence au même endroit à parler de l´amour de Dieu pour les hommes. Chez Kant d´ailleurs, on peut déjà apercevoir cette évolution après coup: Lorsqu´il fait un compte rendu de l´objection (dans la Critique de la Raison pratique, Examen critique au 14e paragraphe) afin de la réfuter ensuite pour la forme, il désigne Dieu comme étant la cause aussi de l´existence de la substance de l´homme; et il ajoute, entre parenthèses, que ceci est un principe qu´il ne faut jamais abandonner sans abandonner, du même coup, le concept de Dieu comme étant l´être de tous les êtres et, de ce fait, sa Toute-suffisance, dont tout dépend dans la théologie.(3) On se demande: comment Kant a-t-il pu avoir cette idée? Jusque-là, aucun apologiste n´avait jugé nécessaire de donner une pareille garantie au profit de la qualité d´auteur de Dieu. Dans l´esprit de Kant, il a dû surgir la pensée s´il ne serait pas concevable aussi que Dieu ne soit pas la cause de la substance de l´homme? Et ce n´est qu´à ce moment-là qu´il aurait alors délibérément prononcé et affirmé que Dieu est l´auteur. De plus: pourquoi l´"être de tous les êtres" et "Toute-suffisance"? Il suffit que Dieu soit l´être suprême; pour cela, il n´est pas nécessaire qu´il soit notre cause – et il n´est pas nécessaire que nous ayons été prédéterminés par lui. Voilà pour ce qui est – soit dit en passant – de l´évolution que la fameuse objection a parcourue dans l´histoire. Revenons à Kierkegaard. Avec beaucoup plus d´humanité que des années plus tard dans le Journal, il consigne, à l´âge de 35 ans environ, dans l´écrit de La maladie à la mort (plutôt au début, au 10e paragraphe – la mise en valeur est de moi): D´où vient donc le désespoir? Du rapport où la synthèse se rapporte à elle-même, comme Dieu, ayant fait de l´homme le rapport, le laisse pour ainsi dire échapper de sa main, c´est-à-dire par le fait que le rapport se rapporte à lui-même.(4) Le sens est clair: la suppression partielle de la causalité efficiente de Dieu, la "main" de Dieu, dont il nous "laisse échapper", comme symbole de la causalité efficiente qui est supprimée en partie. L´inconséquence est tout aussi claire: une cause qui ne suffit pas, un boulet de canon dépourvue de mèche, ne produira aucun effet du tout et non pas un effet partiel. Et le principe? Reste intouché de cette inconséquence; voici ce qu´il dit: La philosophie de Kierkegaard suppose que nous n´avons pas été prédéterminés en vertu d´une cause efficiente, ni par Dieu ni par qui que ce soit d´autre. Nous constatons: Le mot-clé employé par Kierkegaard dans l´écrit de La maladie à la mort est le désespoir, qu´il combat dans cet écrit; pour ce mot-clé et la pensée contextuelle où il se trouve, il a donc explicité la condition préalable, à savoir que l´homme ne soit pas un être prédéterminé. En effet, La maladie à la mort est l´une des œuvres les plus matures de Kierkegaard, d´où sans doute cette évocation délibérée, explicite de la non-prédétermination comme condition préalable au raisonnement. Les termes-clés tout à fait fondamentaux de la période précédente sont en effet: l´"angoisse" dans Le concept d´angoisse et la "subjectivité" ou l´"intériorité", les deux étant équivalentes pour l´essentiel, jointes à l´"enthousiasme", la "passion infinie", "dans laquelle nous avons Dieu", qui sont évoqués dans le soi-disant Post-Scriptum définitif et non scientifique. Examinons à présent la question de savoir si, pour ces mots-clés et leurs contextes, c´est également la non-prédétermination, l´absence de causalité qui s´avère comme condition préalable, de façon à constituer la clef de voûte même de toute la philosophie de Kierkegaard: D´abord l´angoisse (au §5 du Concept d´angoisse). L´angoisse est l´état qui précède la décision fondamentale de l´homme: d´entrer ou non dans cette existence plus ou moins marquée par le péché originel; ce qui implique: Celui seul qui se décide plus ou moins pour le mal, devient homme. On pose la question "Qu´est-ce donc?", à savoir cet état qui précède la décision. Réponse: "le rien. Mais quel effet produit ce rien? Il engendre l´angoisse."(5) Autrement dit: il n´y a, pour l´être humain, aucune cause qui le prédétermine, ni pour le bien, ni pour le mal, c´est-à-dire pour l´entrée dans l´existence humaine, qui est marquée par le péché originel. Cette absence de la cause est le "rien"! Or, pourquoi "le rien engendre-t-il l´angoisse"? Réponse: "L´angoisse est de l´antipathie sympathétique et de la sympathie antipathétique", en d´autres termes: de l´antipathie qui est contrebalancée par la sympathie, et de la sympathie qui est contrebalancée par l´antipathie. Ce qui veut dire que c´est parce qu´il n´y a pour l´homme, lors de son entrée dans l´existence, aucune cause, aucune prédétermination, ni dans un sens ni dans l´autre, ni au bien, ni à l´existence d´un être humain plus ou moins marquée par le péché originel, moralement mauvaise, que les deux l´attirent avec une force égale: il faut qu´il se décide, mais il ne peut se décider d´emblée dans un sens parce que le contraire l´attire autant; il en résulte de l´étroitesse, et cela signifie angoisse: "de l´antipathie sympathétique et de la sympathie antipathétique" – nous voyons qu´on peut parler poétiquement avec des mots étrangers grecs aussi. Un peu plus loin, on lit: Quand on observe les enfants, on trouvera cette angoisse esquissée d´une façon plus précise comme une recherche du fantastique, du monstrueux, de l´énigmatique. … Cette angoisse est si essentiellement propre à l´enfant qu´il ne voudrait pas s´en passer; elle a beau l´inquiéter, elle le captive pourtant avec sa douce inquiétude. A ce propos, voici seulement deux remarques: on reconnaît, une fois de plus, la nature équilibrée de l´angoisse, le fait qu´elle tire et qu´elle repousse avec un parfait équilibre des poids qui agissent des deux côtés, avec pour conséquence: l´étroitesse de l´angoisse. Et deuxièmement: en principe, l´entrée de l´homme dans son existence – entre parenthèses: dans son existence empreinte du péché originel – est atemporelle, elle ne cesse d´avoir lieu; c´est là le fond des choses, ce qui est d´ordre ontologique. Mais ce qui est décrit ici, le côté "fantastique", la "douce inquiétude", etc., tout cela est déjà, comme Kierkegaard le dit expressément, quelque chose de secondaire; ce sont les retentissements psychologiques de l´état de fait ontique de base. Et en ce qui concerne le contenu sémantique: il y a beaucoup de choses qui relèvent du domaine "fantastique" [en danois: "det Eventyrlige": ce qui relève de l´aventure au sens de conte de fées, ndt]; mais, dans son acception la plus profonde, relève du fantastique seulement ce qui n´est pas encore fixé, ce qui n´est pas prédéterminé, mais libre et "par soi-même". Ensuite, voici ce qu´on lit entre autres encore: "Fuir l´angoisse, il ne le peut pas, car il l´aime; vraiment l´aimer, il ne le peut pas, car il la fuit" – Nous comprenons bien qu´on revient toujours à la non-prédétermination. Résultat: la philosophie de Kierkegaard sur l´"angoisse" présuppose la "non-prédétermination". Et l´"enthousiasme", la "passion infinie", la "passion" spirituelle, "dans laquelle nous avons Dieu"? Elle n´est que l´extrême opposé de l´angoisse. Mais sur la même échelle! Voici comment la chose se présente: L´angoisse dans sa manifestation la plus importante, fondamentale, telle que nous venons de l´examiner, pour et en même temps contre notre nature, qui est plus ou moins marquée par le péché originel, est l´état précédant la décision fondamentale de l´homme. Suit la décision, disons pour une nature qui sera moins marquée par le péché originel; au moment de la décision, l´angoisse s´est dissipée. Cette décision, qui est relativement bonne, devient de plus en plus sûre, de plus en plus convaincue – et finit par devenir "enthousiasme", "passion infinie", "dans laquelle nous avons Dieu". Bon! Ce qui est clair: si l´angoisse, elle, était fondée sur le "rien", à savoir sur l´absence d´une cause, d´une prédétermination pour une décision dans l´un ou l´autre sens, il en va de même pour la décision; et, de ce fait, pour l´"enthousiasme", qui n´est en effet qu´une décision renforcée, jointe à la "passion" – que nous devons comprendre comme une passion spirituelle. Tous les quatre ne sont pas prédéterminés, ne sont pas "par autrui ni par quelque chose d´autre", mais donc forcément "par eux-mêmes", nous discuterons ce concept ultérieurement. Tout cela est suffisamment transparent. Mais nous ne pourrons pas nous en contenter. Dans le Post-scriptum (comme on le nomme brièvement), Kierkegaard ne cesse de répéter sa thèse, "La subjectivité est la vérité, l´intériorité est la vérité". Et tout lecteur en arrive à cette conclusion que la "subjectivité" et l´"intériorité" sont aa) synonymes l´une de l´autre et qu´elles sont bb) des termes génériques par rapport à l´"enthousiasme", à la "passion", "dans laquelle nous avons Dieu". Or, nous les hommes nous avons deux forces subjectives: l´intellect et la volonté, l´intellect avec ses hyponymes: entendement, raison, mémoire, perception sensorielle, etc., et la volonté avec ses hyponymes: résolutions, décisions, consentement, refus, amour, haine, joie, tristesse et ainsi de suite. Quant à l´intellect, la philosophie scolaire s´en est entichée; la volonté par contre paraît presque indigne de la science. Qu´est ce qui se passe en effet? Sans réfléchir et sans hésiter, on interprète la "subjectivité" dans la phrase de Kierkegaard comme étant la "subjectivité" de l´intellect: "Ce que je pense, mon avis, ce que je m´imagine, c´est la vérité." Ou de façon similaire, en principe, c´est exactement cela. Il n´y a rien de plus insensé, de plus glacé, rien de plus insipide que cette interprétation-là. Si Kierkegaard avait dit cela, on ne parlerait pas de lui aujourd´hui. Et la suite du ridicule: Le pape Pie XII va alors condamner cette formule de Kierkegaard au lieu de déceler l´interprétation erronée de la "subjectivité" par la philosophie scolaire comme un cas typique de bêtise érudite. Était-il possible de la déceler? Sans aucun problème! Peut-être est-ce justement dans ce but que Kierkegaard a ajouté l´"intériorité": "La subjectivité est la vérité, l´intériorité est la vérité." Car l´"intériorité" est manifestement un cas particulier de la subjectivité de la volonté, elle désigne, entre autres, une direction, à savoir vers l´intérieur. – La question qui se pose, est donc: qu´est-ce que Kierkegaard a voulu dire par la subjectivité de la volonté? Étant donné qu´il peut seulement avoir eu une intuition fine, et pourtant insaisissable! Nous sommes donc fondés à clarifier le concept de la "subjectivité"; comme je le disais au début, il ne s´agit pas seulement de culture et d´instruction, d´histoire de la philosophie; à une époque comme la nôtre, l´enjeu ne peut pas être là, non, c´est de l´objet même de nos préoccupations qu´il s´agit, en l´occurrence, de notre existence et de celle de notre patrie, de leur bonheur et de leur réussite. – Il existe donc une subjectivité de l´intellect et une de la volonté; ou la volonté n´est-elle pas une force subjective, peut-être? Ou est-il inutile de méditer sur des forces, sur l´"énergie"? La subjectivité de l´intellect consiste en une image de la pensée; cette image est "subjective" parce qu´elle est issue du sujet; la subjectivité inhérente à cette image de la pensée est restreinte dans la mesure où un état de fait objectif, la "chose pensée", est censé y correspondre et que l´image de la pensée se justifie par cet état de fait objectif, et non pas l´inverse. Venons-en maintenant à la subjectivité de la volonté, à la subjectivité volitive! Nous savons que, dans la nature, tout découle, en dernier lieu, de l´énergie pure; pour ce qui est de la volonté humaine, qui fait bien partie de la nature – qu´on y pense seulement! – c´est même une évidence immédiate: Rien que selon son concept, elle est de l´énergie pure. Nous savons cela si bien parce que la volonté est pour le moins un aspect de notre propre être; et tous les autres êtres de ce monde le sauraient très certainement tout aussi bien en ce qui les concerne eux, s´ils avaient un intellect comme nous. Ce n´est pas la peine maintenant de débattre pour savoir si nous voulons qualifier l´énergie pure de "force" ou si nous devrions la désigner comme "être dynamique". Pour des raisons pratiques, je préfère cette dernière expression; c´est aussi pour des raisons de clarté bien que, dans le monde empirique, l´être statique n´existe pas de toute façon. Et la question-clé est donc la suivante: Pourquoi l´être dynamique que nous appelons la volonté, est-il "subjectif"? L´image intellectuelle de la pensée est subjective parce qu´elle provient du sujet. Et comme nous savons en effet avec certitude que notre volonté, elle aussi, est de nature subjective, il ne nous reste plus qu´à conclure que, elle aussi, elle l´est parce qu´elle est issue du sujet; dans le cas de la volonté donc: de l´être dynamique qu´elle est elle-même et que nous sommes également; elle est donc "d´elle-même", par l´énergie pure – "de/par", du reste, dans l´emploi dynamique du terme! La volonté n´est pas un simple "soi-même neutre" statique. Et même sans cela, il est de toute façon sûr que l´énergie pure doit être "par elle-même"; car si elle était "par quelque chose ou quelqu´un d´autre", elle aurait quelque chose de passif et ne serait donc pas de l´énergie pure; c´est aussi simple! Or, à ce moment-là, nous savons également que tout ce monde empirique n´est rien que de la volonté puisque, en fin de compte, il n´est rien que de l´énergie pure. – C´est d´ailleurs au plus tard maintenant que nous sommes arrivés au point annoncé un peu plus haut, où il apparaît que le Dieu-Créateur prédéterminant comme cause efficiente n´est pas seulement absurde – premièrement en tant que seul responsable du mal sous toutes ses formes, et deuxièmement en tant que juge des êtres qu´il a lui-même prédéterminés – mais qu´il est aussi impensable parce que nous sommes tout simplement "par nous-mêmes". Et à titre supplémentaire, on est en droit de le supposer impensable parce que nous avons tout de même reçu une lueur de la morale. Conclusion: la volonté est subjective parce qu´elle est "par elle-même", elle est "l´être dynamique qui vient de lui-même"; dans le fait d´être "par elle-même", elle comporte sa propre liberté selon une nécessité conceptuelle, par définition! Et le vieux Kant aurait sûrement été ravi de cette justification supplémentaire qui est apportée à sa pensée, selon laquelle nous les hommes nous ne faisons que "poser" les lois de la nature "en" nous et "dans" la nature qui est en dehors de nous sans que ces lois ne s´y trouvent, ni qu´elles y agissent "en soi". Venons-en maintenant à la teneur des propos chez Kierkegaard! Suite et fin du discours. Hans Rochol en septembre 2006, traduit de l´allemand par Annette Rochol en 2009, traduction revue en décembre 2012. (1) Papirer VII 1A 181: ”Det Høieste der overhovedet kan gjøres for et Væsen, høiere end Alt hvad En kan gjøre det til er at gjøre det frit. Netop dertil hører Almagt for at kunne gjøre det. Dette synes besynderligt, da netop Almagt maatte gjøre afhængig. Men hvis man vil tænke Almagt vil man see, at netop deri tillige maa ligge den Bestemmelse at kunne tage sig selv saaledes tilbage igjen i Almagtens Yttring at netop derfor det ved Almagten Tilblevne kan være uafhængigt.” (2)Pap.XI 2, 439: ”jeg er blevet til mod Guds villie.” (3) cf. Emmanuel Kant Critique de la raison pratique , édition Quadrige, PUF, 1997, dans la traduction de François Picavet, p.107: ”Si l´on nous accorde aussi que le sujet intelligible, relativement à une action donnée, peut encore être libre, quoique, comme sujet appartenant au monde sensible, il soit soumis à des conditions mécaniques relativement à cette même action, il semble alors qu´on doive, aussitôt que l´on admet que Dieu, comme cause première universelle, est aussi la cause de l´existence de la substance (proposition qui ne peut jamais être rejetée sans qu´on rejette en même temps le concept de Dieu comme être des êtres, et avec lui l´attribut qu´on lui accorde de suffire à tout et dont tout dépend en théologie), accorder aussi que les actions de l´homme ont leur principe déterminant dans ce qui est entièrement en dehors de son pouvoir, à savoir dans la causalité d´un être suprême distinct de lui, duquel dépendent tout a fait son existence et toute la détermination de sa causalité.” (4) Sygdommen til Døden (Samlede værker bd.15, 4.udgave, Gyldendal 1962, s. 75): ”Hvorfra kommer saa Fortvivlelsen? Fra Forholdet, hvori Synthesen forholder sig til sig selv, idet Gud, der gjorde Mennesket til Forholdet, ligesom slipper det ud af sin Haand, det er, idet Forholdet forholder sig til sig selv.” La traduction de Paul-Henri TISSEAU et Else-Marie TISSEAU, extraite de l´édition Søren Kierkegaard, parue sous la direction de Régis BOYER aux éd.LAFFONT en 1993, p.1209 : ”D´où vient donc le désespoir? Du rapport où la synthèse se rapporte à elle-même, lorsque Dieu, ayant fait de l´homme le rapport, le laisse pour ainsi dire échapper de sa main, en d´autres termes, lorsque le rapport se rapporte à lui-même.” (5) Begrebet Angest (Samlede Værker bd.6, 4.udgave, Gyldendal 1991, s.136-138): ”Hvad er det da? Intet. Men hvilken Virkning har Intet? Det føder Angest.” ”Angest er en sympathetisk Antipathie og en antipathetisk Sympathie.” ”Naar man vil iagttage Børn, vil man finde denne Angest bestemtere antydet som en Søgen efter det Eventyrlige, det Uhyre, det Gaadefulde...Denne Angest hører Barnet saa væsentligen til, at han ikke vil undvære den; om den end ængster ham, fængsler den ham dog i sin søde Beængstelse.” ”flye Angesten kan han ikke, thi han elsker den; egentlig elske den kan han ikke, thi han flyer den.” cf. la traduction de Paul-Henri TISSEAU et Else-Marie JACQUET-TISSEAU dans les Oeuvres complètes t.VII, Ed.de l´Orante, 1973, p.144,145: "Qu´est-ce donc ? le rien. Mais quel effet produit ce rien ? Il engendre l´angoisse." "L´angoisse est une antipathie sympathique et une sympathie antipathique." "Si l´on observe les enfants, on trouvera cette angoisse plus nettement caractérisée comme une recherche du fantastique, du monstrueux, de l´énigmatique…Cette angoisse est tellement essentielle à l´enfant qu´il ne veut pas la fuir; elle a beau l´inquiéter, elle le captive pourtant de ses doux tourments." "…il ne peut fuir l´angoisse, car il l´aime, il ne peut à vrai dire l´aimer, car il la fuit." © Dr.Hans Rochol, www.rochol.net, 2003. Tous droits de traduction, de reproduction et d´adaptation réservés pour tous pays. |